« Du fonctionnaire sujet » au « fonctionnaire citoyen »
Le statut des fonctionnaires : une protection pour les agents et les usagers depuis 1945
Invité au congrès académique du SNES-FSU Orléans-Tours, Gérard Aschieri est intervenu le 21 février dernier pour présenter la particularité et l’enjeu de la Fonction Publique telle qu’elle existe encore dans notre pays.
Voici en quelques lignes, un résumé d’une très riche intervention :
Très bref rappel historique :
Jusqu’en 1945, le fonctionnaire était soumis au devoir d’obéissance, n’avait pas le droit de grève et ne pouvait pas se syndiquer.
Après la seconde guerre mondiale, le statut du fonctionnaire a évolué, accordant des droits aux agents des services publics tels que la liberté d’expression, le droit à s’organiser collectivement avec la création de syndicats et le droit de faire grève.
Qu’en est-il aujourd’hui ?
Depuis plusieurs décennies, le statut des fonctionnaires est régulièrement attaqué par les politiques néolibérales. Il est présenté à l’opinion publique comme étant une source de privilèges pour les personnels et responsable d’une prétendue rigidité qui empêcherait toute évolution des services publics.
Pourtant, le statut, tels que pensé après guerre, définit quelques principes qui garantissent une protection tant aux usagers qu’aux agentes et agents.
– Le principe d’égalité : le fonctionnaire assure une égalité de traitement de tous les usagers quelles que soient leur origine, leur classe sociale…
Le fonctionnaire bénéficie lui aussi de ce principe d’égalité via le recrutement par concours (qui a mis fin au népotisme qui avait cours au XIXème siècle), la rémunération sur grille indiciaire…
Par le biais de leurs organisations syndicales, les agents ont construit, au fil des années, des règles communes assurant la transparence et l’égalité de traitement des personnels comme la constitution de barèmes pour les promotions ou les mutations. En attaquant le paritarisme, la loi dite de la « transformation de la fonction publique » de 2019 a mis à mal ces cadres collectifs.
Dans leurs actions quotidiennes, la FSU et ses syndicats revendiquent et travaillent à l’amélioration des conditions de travail des personnels et œuvrent à maintenir les collectifs de travail.
– le principe d’indépendance : le fonctionnaire a en charge l’intérêt général. A ce titre, il est indépendant de toutes pressions politiques et bénéficie de la garantie de l’emploi.
Depuis plusieurs années, la multiplication des contrats entre en concurrence avec le recrutement sous statut. Aujourd’hui, 20 % des personnels relevant de la fonction publique sont contractuels. Ce mode de recrutement fragilise le principe d’indépendance des fonctionnaires puisqu’il rend l’agent plus dépendant de son employeur. La contractualisation est aussi une source d’incertitude pour l’avenir : les personnels peuvent être freinés dans leur volonté de s’engager pleinement dans des projets qu’ils ne sont pas sûrs de pouvoir mener à leur terme.
De plus, le développement des politiques de new management public a pour objectif de casser les cadres collectifs au profit d’une gestion individuelle des personnels, avec comme conséquence néfaste, le risque de perdre de vue la défense de l’intérêt général.
La FSU et ses syndicats luttent pour le maintien de l’indépendance des fonctionnaires et contre la mise en concurrence des personnels qui ne peut aboutir qu’à du mal être au travail.
– le principe de continuité du service public : l’État doit garantir la présence des services publics sur l’ensemble des territoires. En contrepartie de la garantie de l’emploi, le fonctionnaire doit se rendre sur le lieu de travail qu’on lui indique.
Mais les politiques de destruction de l’emploi public (non remplacement d’un fonctionnaire sur deux par exemple) que l’on connaît depuis des décennies, ont eu pour conséquence de réduire considérablement l’offre de service public, rendant les possibilités de mutations quasiment impossibles dans bon nombre de secteurs. Ainsi, les personnels sont privés d’un droit qui les poussent à chercher des solutions individuelles.
Pour la FSU et ses syndicats, il est urgent et indispensable de recréer des solutions collectives qui sont à terme plus protectrices que les mesures individuelles.
– le principe de neutralité : le fonctionnaire ne doit pas agir selon ses préférences mais servir l’intérêt général.
La FSU et ses syndicats dénoncent la volonté d’E. Macron de vouloir généraliser la rémunération au mérite. D’autant plus que le « mérite », tel que pensé par le Président signifie « performance ». Or, une performance ne peut être évaluée qu’à partir de critères mesurables. Ainsi, les personnels sont incités à se détourner de leur mission de service public pour se concentrer sur les indicateurs qui serviront à leur promotion.
Aujourd’hui, il y a une forte volonté du gouvernement à revenir au concept du « fonctionnaire sujet » : « le fonctionnaire est un homme de silence. Il sert, il travaille, il se tait. »
La FSU luttera ardemment pour s’opposer à toute velléité d’un retour au XIXème siècle.
Nous devons toutes et tous garder à l’esprit que le statut du fonctionnaire, tel que pensé après 1945, et les règles construites collectivement au fil des années sont indispensables pour répondre aux besoins de la société et de l’intérêt général.
En tant que fonctionnaires, nous sommes porteurs de valeurs que certains ministres et députés mettent à mal. Collectivement, nous nous devons de ne pas laisser faire.