Alors que la rentrée universitaire se déroule dans des conditions d’incertitude extrême qui préoccupent la grande majorité de nos collègues, la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation a présenté lundi matin 31 août aux organisations syndicales un avant-projet de protocole d’accord “relatif à l’amélioration des rémunérations et des carrières” et annoncé l’ouverture d’un cycle de négociations sur ces sujets.
L’envoi tardif du texte, adressé aux organisations en début de week-end, a provoqué les critiques de la FSU et de la grande majorité des participants à cette réunion. Quant à son contenu, il est loin d’être satisfaisant.
L’avant-projet acte par avance l’adoption des mesures budgétaires mais surtout des dispositions législatives prévues par le projet de loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR) qui sera prochainement examiné par l’Assemblée nationale et auquel la FSU s’oppose. C’est notamment le cas pour le recrutement de professeur-es dans le cadre des chaires juniors qui seraient créées par la LPPR et dont le nombre conditionnerait les places offertes dans le cadre d’un nouveau “concours réservé” pour les maîtres et maîtresses de conférence titulaires d’une habilitation à diriger des recherches.
L’axe 1 de l’avant-projet prévoit une revalorisation indemnitaire, principalement sous forme de primes et par le rapprochement des moyennes indemnitaires des personnels chercheurs et enseignants-chercheurs sur celles des corps IT/ITRF excluant ainsi toute revalorisation indiciaire. Ceci aboutit d’une part à contourner la problématique de la faiblesse des rémunérations indemnitaires dans l’ESR au regard des autres ministères et, d’autre part, à ne pas envisager de revalorisations pour une très grande majorité des collègues des filières des ingénieurs et techniciens, des bibliothèques, administrative, sociale et de santé. Trop de personnels restent sur la touche par rapport à ces perspectives de revalorisation. Pour les personnels concernés (enseignant-es – chercheur-es (EC) et chercheur-es) les parts individuelle et fonctionnelle, c’est-à-dire celles liées à une fonction déterminée ou à une mission particulière, demeurent trop importantes par rapport à la part fixe liée au grade, et sont ainsi facteurs d’arbitraire et d’inégalités entre les rémunérations. Les augmentations annoncées dès 2021 de leurs primes, qui sont actuellement ridiculement basses, ne sont pas à la hauteur de ce que devrait être l’ambition de rattraper non seulement le différentiel avec les autres corps comparables de la Fonction publique mais aussi les rémunérations comparables au niveau international.
L’axe 2 vise à “définir un nouvel équilibre des corps et des grades des enseignant-es – chercheur-es et des chercheur-es afin de mettre en cohérence les perspectives de carrière des deux principales filières scientifiques”. Il se focalise sur le rapprochement des grades terminaux au détriment d’un vrai rééquilibrage de la proportion de rangs A dans le corps des EC. En l’état du projet celle-ci ne devrait pas dépasser 35% au lieu des 45% actuellement constatés chez les chercheur-es, qui constituerait un objectif plus ambitieux. De plus, l’augmentation ainsi envisagée du nombre de professeurs d’université se ferait certes par le biais d’un concours réservé aux maîtres de conférences mais aussi à l’issue de recrutements dérogatoires sous la forme de chaires juniors. Le projet offre des perspectives de déblocage des carrières des chargé-es de recherche (CR) par une augmentation du nombre de CR hors classe, et des carrières des directeurs de recherche (DR) par une augmentation du nombre des DR de classe exceptionnelle afin d’aligner ces corps sur les taux des MC hors classe et des PU classe exceptionnelle, respectivement. Cependant, aucune création d’emplois de chercheur-es n’est prévue. Les chaires juniors qui seraient créées dans les établissements publics à caractère scientifique et technologique (EPST) et qui aboutiraient à l’intégration dans le corps des DR se feraient ainsi au détriment des possibilités de promotion des chargé-es de recherche vers le corps des directeurs de recherche.
L’axe 3 annonce une perspective de repyramidage de la filière des ingénieurs et personnels techniques de recherche et de formation (ITRF), qui ne vise en l’état qu’une minorité de ses personnels, en oubliant là aussi les filières des bibliothèques et administrative. Tous les personnels BIATSS de l’ESR, tous les métiers doivent pouvoir être concernés. En outre, rien n’est dit sur la nécessité de reconnaître les personnels exerçant des fonctions de niveau supérieur par des mesures de carrière et des promotions. La question de l’intégration des assistants ingénieurs dans les corps d’ingénieurs d’études apparaît par exemple une évolution nécessaire. Pour la FSU, c’est une vraie politique de requalification articulée à une politique de promotion qu’il faut mettre en œuvre.
La FSU portera l’ensemble de ces revendications tout en insistant sur la nécessaire création d’emplois titulaires dans l’ESR pour répondre aux besoins impérieux dont cette rentrée universitaire donne une nouvelle illustration. Elle défendra ses propositions dans la négociation qui s’ouvre afin de faire progresser ce projet d’accord dans l’intérêt des personnels qu’elle représente et du service public de l’ESR.
Les Lilas, le 01 septembre 2020